Maëva, Maëlle, Laura, Madison, Marion, Thybault,Thomas, Clément. Ils ont tous entre 12 et 17 ans et sont une partie infime d’une liste déjà beaucoup trop longue d’enfants dont la vie s’est arrêtée avant d’avoir commencé suite au harcèlement qu’ils ont subi.

A l’heure de la connectivité, le harcèlement ne s’arrête plus à la fin des cours, il se poursuit généralement à la maison via les réseaux sociaux, le repos d’après l’école pour digérer les informations de la journée n’est plus permis. Il y a quelques jours, il a encore fait parler de lui avec le décès d’une jeune fille de 15 ans. Alors comment agir ? Comment apprendre à reconnaître les signes et peut être aider une victime à se sortir d’une situation inextricable ? Nous avons questionné plusieurs intervenants dans les milieux scolaires, centres PMS, psychologues et service de médiation et tous abondent dans le même sens.

Qu’est-ce que le harcèlement ?

Le harcèlement est le fait que la même personne subisse de manière répétée des insultes, des moqueries, voir des gestes violents émanant d’une même personne ou d’un groupe. On tape le clou toujours sur la même personne, de manière répétée. Il ne faut pas nécessairement qu’il s’agisse de violences physiques. Cela peut être fait également sous forme de blague de la part du ou des harceleurs, ils s’en prennent de manière quotidienne à la même personne qui ne peut se défendre. L’attaque est toujours disproportionnelle à la défense, la personne harcelée ne peut se défendre correctement face à son ou ses bourreaux et finit par se sentir exclue, dans une bulle où elle ne vit finalement que ça et ne trouve pas d’échappatoire.

Dans tous les cas, cela se passe sans la présence d’adultes qui pourraient intervenir, ce qui englue la victime dans son impuissance. Personne ne m’a défendu, peut-être que ce n’est pas du harcèlement. 

Comment un parent peut-il se rendre compte que son enfant est victime de harcèlement ?

Il existe des indices laissant penser qu’un enfant est en souffrance et que celle-ci peut éventuellement provenir de harcèlement. Nous avons questionné M. Jean Bruyère, psychologue et directeur du centre PMS Virton 2.

Il existe trois grandes sphères qui si elles subissent un changement radical, peuvent mettre la puce à l’oreille des parents. La sphère sociale, c’est-à-dire si un enfant dynamique se referme sur lui ou à l’inverse un enfant calme s’exprime à tout vas de manière inappropriée. Les troubles alimentaires, douleurs au ventre, perte d’appétit ou au contraire quelqu’un qui mange peu d’habitude peut se mettre à dévorer. Enfin les problèmes d’insomnies. Sont généralement de bons systèmes d’alarmes. Chez certains par exemple peuvent également apparaître des maux de têtes inexpliqués par le médecin. Le décrochage scolaire peut également être un bon indicateur, il s’agit vraiment de faire attention à un ensemble d’éléments.

Des parents témoignent : Notre fille qui était en primaire a manifesté pendant plusieurs semaines des maux de têtes tous les matins et des maux de ventre tous les soirs. Nous sommes allés plusieurs fois chez le médecin mais il ne trouvait rien de particulier à part que pour lui, les douleurs étaient dues à une tension musculaire. Nous savions qu’elle avait un problème avec une camarade de classe mais avions pris ça pour un petit conflit. Nous avons questionné les enseignants qui n’avaient rien remarqué et qui nous confirmaient des disputes banales. Et un jour notre fille de 8 ans nous a dit qu’elle était seule durant toutes les récréations y compris le temps de midi car son bourreau avait retourné ses meilleures amies contre elle. Elle était en fait victime de harcèlement. 

M. Bruyère explique aussi la différence qu’il y a entre les plus jeunes et les adolescents : Chez les adolescents, il y a un appel à l’aide déguisé. Le plus souvent, il s’agit de scarifications. Elles sont cachées par les vêtements mais en même temps peuvent se voir en remontant les manches d’un pull par exemple. Dans de fortes envies de suicide, on peut retrouver des écrits, par exemple des mots où le jeune va dépeindre sa détresse et va parler de sa mort. Il va généralement les cacher ou les jeter à la poubelle mais sans les déchirer de manière à ce que si quelqu’un tombe dessus, il puisse les lire et réagir.

Le harcèlement, tous responsables !

Souvent, le harcèlement est au départ d’une ou deux personnes qui en sont les auteurs. Cependant si dans ton groupe d’amis, tu remarques que le comportement d’une personne vis-à-vis d’une autre ne te semble pas normale. Si tu ressens que ce n’est pas juste, mais que tu ne dis rien parce que tu fais partie du groupe, tu es également responsable parce que tu ne fais rien pour dire STOP.

Dans un milieu où l’adulte n’est pas présent pour intervenir, un simple stop de la part des jeunes présents pourrait tout arrêter. Le fait de ne rien dire sous prétexte qu’on ne fait que regarder ne fait que le conforter l’auteur du harcèlement dans sa situation. Si personne ne dit rien, ça veut dire que je peux continuer.

Ne pas se mettre en danger inutilement.

Attention aux photos dénudées. Comme le déclarait également M. Humbeek psychopédagogue à l’UMons auprès d’RTL « Si vous montrez des parties intimes de votre corps vous aurez peut-être plus de notoriété sur les réseaux sociaux mais cela conduit parfois certains à renoncer à toute prudence sur ce plan-là. Notamment parce qu’on présente le site comme un site intime, mais il suffit d’un partage sur un site public (par exemple de Messenger à Facebook) et votre image devient publique et là, vous aurez un sentiment d’anéantissement qui vous extermine très rapidement. Dans le bus le matin, vous aurez l’impression que tout le monde vous aura vus sans vêtements même si ce n’est pas le cas. 

La SEULE solution : en parler.

Dans une grande majorité des cas, les personnes harcelées n’osent pas en parler à leurs parents, (ce qui pourtant reste la meilleure solution) de peur de leur faire du mal ou de les décevoir. Ce sont généralement les amis des victimes qui tirent la sonnette d’alarme auprès des adultes.

Les victimes de harcèlement n’osent pas en parler de peur que cela s’amplifie. Si nous avons un message à faire passer, c’est que non si on en parle, ce n’est pas pire, si on en parle, ça s’arrête ! Dans la mesure où il y a un encadrement fait par des adultes compétents. Notamment par le centre PMS qui reste le premier intervenant dans le milieu scolaire mais également par le service de médiation qui est formé à intervenir dans ce genre de cas de manière efficiente.

Le cyber-harcèlement, qu’est-ce que c’est ? Comment s’en défendre ?

Les enfants peuvent être harcelés de plusieurs manières via les réseaux sociaux. Que ce soit de manière violente en très peu de temps, ce que l’on appelle « le flaming ». « L’outing » consiste à divulguer des informations intimes ou confidentielles sur une personne. Le « slut shaming » qui consiste à harceler une personne sur le fait de son apparence physique, de sa manière de s’habiller ou de se maquiller, simplement parce qu’elle ne correspond pas aux normes fixées par les harceleurs(euses).

Cyber-Help, une application mise à la disposition des écoles :

Cyber-Help est une application qui permet aux jeunes d’activer une fonction spéciale sur leur smartphone. En pratique, lorsqu’un élève subit une agression, il lui suffira de pousser sur une icône qui activera dans un premier temps une capture d’écran avec l’historique de toute la conversation et dans un deuxième temps avertira l’équipe pédagogique qui pourra intervenir rapidement. Plusieurs écoles de la région seraient déjà fort intéressées par cette application.

Des services à votre écoute :

En cas de harcèlement, la première et meilleure chose à faire serait d’en parler à tes parents. Que tu sois victime ou que tu connaisses une personne qui se fait harceler. Si tu ne le souhaite pas, tu peux te confier à un adulte de l’école en qui tu as confiance (professeur, surveillant, directeur etc…) tu peux venir en compagnie d’un ami si tu ne te sens pas de le faire seul(e). Dans certains établissements, il existe une cellule contre le harcèlement et des personnes référentes prête à t’aider.

Si tu ne te sens pas capable d’aborder le sujet avec ta famille ou tes amis, tu peux contacter SOS ENFANTS AU 103. Il s’agit d’un service de professionnels à ta disposition de 10h à 24h et ils pourront t’aider à gérer la situation.

Par mail, tu peux également contacter le service de médiation scolaire à mediationscolaire@cfwb.be

En ce qui concerne le harcèlement via les réseaux sociaux, tu peux également contacter la police. Le harcèlement est punissable devant la loi. Garde les preuves de ce que tu as subi (captures d’écran par exemple) afin de porter plainte.

Toutes ces pistes sont également valables pour ceux qui ne sont ni victimes, ni bourreaux mais spectateurs qui ont le devoir d’agir. Au pénal, les personnes ayant connaissance des faits mais qui n’ont rien fait sont aussi responsables que les auteurs !

Un projet de loi qui va tout changer, de lourdes sanctions appliquées.

Un projet de loi est actuellement à l’étude. Il concerne la diffusion d’image à caractère sexuelles diffusées sans le consentement de la victime. Un juge ou un procureur du roi aurait le pouvoir de stopper la diffusion des images en 6 heures. Si dans les 6h qui suivent la décision, l’image continue à être diffusée, des sanctions seront appliquées pour un montant de 15.000 € et elles seront applicables depuis le diffuseur de l’image jusqu’aux personnes ayant partagé ou liké l’image en passant par les opérateurs considérés comme complice devant la loi.

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